Pour éclairer d’un jour nouveau les fractures qui travaillent la société et les transformations politiques que nous connaissons, nous avons segmenté la population française en fonction de leurs convictions profondes.
12% des Français
« Il y a un système de caste. Les inégalités se creusent. Quelques personnes s’en sortent, mais on est prédéterminés. »
Un homme de 40 ans, d’Île-de-France, Militant désabusé
Les Militants désabusés ont une vision du monde forte et cohérente, structurée par leurs convictions politiques : se dire de gauche a de l’importance à leurs yeux. C’est l’un des rares groupes pour qui l’appartenance politique, exprimée sur un axe traditionnel gauche – droite, demeure un marqueur fort. Ils sont enclins à lire le monde comme un rapport de forces opposant dominants à dominés. C’est le groupe qui compte le plus de diplômés de l’enseignement supérieur. Leur niveau de revenu est médian, leur situation économique parfois précaire, à l’image de nombreuses professions intellectuelles.
Ils sont particulièrement sensibles aux enjeux de justice sociale et d’égalité entre les femmes et les hommes. Leurs efforts individuels se concentrent en particulier sur le changement climatique, qui a rejoint la lutte contre les inégalités en tête de leurs préoccupations. Ils soutiennent majoritairement l’accueil des migrants et les droits des minorités. Seul leur rapport à l’Islam fait l’objet d’un conflit de valeurs : entre universalisme et multiculturalisme, entre émancipation du religieux et liberté religieuse, ils sont plutôt ambivalents. Ils sont à la fois pessimistes pour l’avenir de la société et plus nombreux à se dire découragés et déprimés que la moyenne des Français.
Ce n’est pas parce qu’ils sont cohérents dans leurs convictions qu’ils ont confiance en leur capacité à influencer la société. Ils éprouvent le sentiment croissant que le modèle de société auquel ils sont attachés n’est pas aussi partagé qu’ils le croyaient. Ils regardent avec désolation une France qu’ils jugent à la fois crédule et hostile. S’ils savent ce qu’ils ne veulent pas être, les Militants désabusés ne savent plus vraiment qui ils sont et avec qui ils partagent leurs combats. Ils jouent en défense.
Pauvreté et inégalités sociales, enjeux environnementaux, éducation.
Nous devons fermer complètement nos frontières aux migrants car nous ne pouvons pas les accueillir actuellement – 13% vs 54% en moyenne
Les chômeurs pourraient trouver du travail s'ils le voulaient vraiment : pas d’accord – 82% vs. 49% en moyenne
Je ne verrais aucun inconvénient à ce qu’une mosquée soit construite près de chez moi – 63% vs. 34% en moyenne
La chance et les circonstances sont plus déterminantes que le travail et l’effort dans la réussite des gens – 52% vs. 27% en moyenne
Je me sens appartenir au monde entier– 43% vs. 17% en moyenne
On peut accepter que le gouvernement limite les droits des citoyens en cas de menace à l'ordre public – 40% vs. 66% en moyenne
19% des Français
«La société devient de plus en plus procédurière. Mais c'est surtout la violence dans les propos et les actes qu'on ne trouvait pas auparavant en France qui m’inquiète. C'était plus policé avant »
Femme, 48 ans, Bourgogne-Franche-Comté, Stabilisatrice
Les Stabilisateurs se distinguent moins par leurs convictions politiques que par leur engagement. Attachés à l’endroit où ils habitent, à leurs voisins et à leurs relations, ils s’investissent volontiers dans la société, en particulier dans leur environnement local. Ils sont assez convaincus que les citoyens peuvent changer la société. Plutôt aisés, bien représentés dans les zones rurales et les petites villes, ils sont un peu plus âgés que la moyenne des Français. Les Stabilisateurs reconnaissent qu’ils sont dans une position confortable, sinon privilégiée. Sans se sentir nécessairement en communion de valeurs avec les personnes précaires, les migrants ou les minorités, ils éprouvent pour eux de la sympathie et de la bienveillance. Attachés à la solidarité, ils présentent des opinions ambivalentes sur les questions culturelles. Ils ne prônent pas la fermeture des frontières, mais ne considèrent pas pour autant qu’il soit possible d’accueillir tout le monde. Enclins à la modération et au compromis, ils se disent volontiers inquiets de l’état de la France. Ils déplorent notamment la tournure que prend le débat public, qu’ils jugent de plus en plus tendu. Informés, ils accordent davantage leur confiance aux experts et à ceux qui sont engagés sur le terrain qu’aux politiques, même s’ils ne désespèrent pas qu’une figure émerge pour réconcilier la société.
Chômage et marché du travail, pauvreté et inégalités sociales, enjeux environnementaux.
Parmi les adjectifs suivants, quels sont, selon vous, ceux qui décrivent le mieux la France aujourd'hui ? – Inquiète – 73% vs. 52% en moyenne
Dans mon entourage, les gens se comprennent, s'entraident, et sont bienveillants les uns envers les autres - 66% vs 54% en moyenne
Auxquelles de ces activités avez-vous participé au cours de ces douze derniers mois ?
Avoir bu un café avec voisin – 63% vs. 42% en moyenne
Avoir aidé un voisin – 66% vs. 47% en moyenne
Par leurs choix et leurs actions les citoyens peuvent changer la société – 86% vs 73% en moyenne
Les problèmes liés à l'immigration et l'accueil de migrants en France ne sont pas pris assez au sérieux par la plupart des gens - 56% vs. 50% en moyenne
11% des Français
« Les Français veulent avancer et veulent du changement. Mais quand il est là, ça leur fait peur. Au final, ils disent non. C’est dommage. »
Homme, 35 ans, Ile-de-France, Libéral optimiste
Acquérir la maîtrise de leur destin, c’est l’ambition des Libéraux optimistes. A leurs yeux, la vie est un parcours, que l’on façonne par ses propres choix. Dans un monde incertain, on doit compter sur des valeurs solides et une culture de l’effort pour se frayer un chemin. C’est le plus petit groupe de notre segmentation. Leur vision du monde s’accompagne d’un profond optimisme : ils sont les seuls à être convaincus que le pays va dans la bonne direction ; ils sont plutôt enclins à penser que leurs enfants vivront mieux qu’eux. Cette confiance en l’avenir s’accompagne d’une confiance dans les institutions. Sans doute est-ce parce qu’ils en attendent moins que les autres : elles sont là pour donner un cadre, qui permet à chacun de développer ses propres capacités, et un ordre, qui rend possible la coexistence des individualités, sans pour autant interférer dans leur autonomie. Ils prennent donc parti pour une économie et une société ouvertes, en soutenant à la fois des politiques de compétitivité et de protection des minorités. Ils n’ont pas d’ennemis à proprement parler : dans leur grande majorité, ils sont convaincus de partager des valeurs avec le plus grand nombre. Certes, ils constatent dans la société des réticences au changement, dont les extrêmes sauraient tirer profit. Mais ces réticences ne les affectent qu’à la marge. Les Libéraux optimistes sont plus jeunes, plus masculins et plus urbains que l’ensemble des répondants. Ils comptent également deux fois plus de personnes issues de l’immigration que la moyenne des groupes.
Situation économique, système de santé, éducation.
La France va dans la bonne direction - 79% vs. 30% en moyenne
Les personnes riches ne devraient pas être trop taxées afin d'encourager la création de richesse dans notre pays – 69% vs. 35% en moyenne
Les immigrés font des efforts pour s'intégrer à la société française, c'est avant tout la société française qui ne leur donne pas les moyens de s'intégrer – 70% vs 38% en moyenne
Je me sens respecté et reconnu à ma juste valeur – 81% vs. 50% en moyenne
Le travail et l’effort sont plus déterminants dans la réussite des gens que la chance et les circonstances – 89% vs. 73% en moyenne
On peut faire confiance à la plupart des gens – 51% vs. 25% en moyenne
15% des Français
« Il y a de la solidarité dans plein de choses mais aussi de l’individualisme. On reste dans son confort sans bouger. J'ai l'impression qu'on a ces deux parties en nous, en fait . »
Femme, 27 ans, Hauts-de-France, Attentiste
Les Attentistes se distinguent par leur détachement vis-à-vis des enjeux collectifs. Ce détachement les porte à la modération : dans les débats économiques comme dans les débats culturels, ils optent pour des positions médianes, ce qui les rapproche des Stabilisateurs. Ils sont profondément désengagés : ils s’intéressent peu à la politique, ils n’ont pas d’activité associative ou partisane – c’est un point qu’ils partagent avec les Laissés pour Compte. C’est aussi l’un des groupes les plus individualisés : les Attentistes préfèrent une vie discrète à une vie sociale de proximité. Ils ont très peu d’attaches locales, et sont plus enclins que la moyenne des Français à penser que c’est chacun pour soi. Ce qui les différencie des Libéraux optimistes, c’est qu’ils n’ont pas de valeurs fortes.
Leurs préoccupations sont plutôt personnelles : parmi elles, l’accès au marché du travail, la santé et le logement se détachent. Davantage que les autres groupes, ils s’inquiètent du racisme et des discriminations. Les Attentistes se mettent donc en retrait, à la fois parce que leur charge mentale est trop lourde et parce qu’ils cherchent à se protéger d’un monde qu’ils jugent trop pesant et injuste. Pour autant, leur repli n’est pas irréversible. Il est individuel, et non collectif. Ils n’ont pas dressé un mur entre eux et les autres, ils ont tiré un rideau, qu’ils entrouvrent de temps à autre avec l’espoir de trouver une amélioration.
Chômage et marché du travail, système de santé, le racisme et les discriminations.
Aucun engagement, local ou partisan – 46% vs. 19% en moyenne
Comparée à votre situation actuelle, diriez-vous que la situation de vos enfants, lorsqu'ils auront votre âge, sera semblable à la vôtre – 42% vs. 25% en moyenne
Je préfère mener ma vie en toute discrétion – 60% vs. 50% en moyenne
Je ne suis pas attaché à l’endroit où j’habite – 33% vs. 24% en moyenne
L’impact de l’immigration sur la France n’est ni positif ni négatif – 47% vs. 30% en moyenne
La protection sociale dont je bénéficie ne me permet pas de faire face aux aléas de la vie – 42% vs. 34% en moyenne
22% des Français
« On n’a plus la reconnaissance qu’on avait avant. »
Femme, 35 ans, Bourgogne-Franche-Comté, Laissée pour compte
Pour les Laissés pour compte, l’horizon est bouché : dans leur écrasante majorité, ils jugent que l’avenir de la France est sombre, tout comme celui de leurs enfants. Dans notre segment, c’est le groupe numériquement le plus important. A leurs yeux, le monde se fait chaque jour plus dangereux. Ils ont le sentiment de devoir affronter seuls cet environnement hostile. Ils s’estiment trahis par les pouvoirs publics. Ils attendent immensément du politique, tout en lui refusant leur confiance. Ils ne reconnaissent aux décideurs ni une capacité d’écoute, ni une capacité d’agir. Ils sont les plus nombreux à se désintéresser de la politique et à considérer que les notions de gauche et de droite sont dépassées. Ils sont moins enclins à faire confiance aux autres. Plutôt désocialisés, ils éprouvent une forte perte d’appartenance. Ils ont peu d’attaches locales et moins de relations de voisinage que les autres groupes. Ils ont un sentiment de solitude un peu plus élevé que la moyenne. Leur seule appartenance, par défaut, est leur nationalité.
Leur colère à l’égard d’un système qu’ils estiment profondément injuste se mue en ressentiment vis-à-vis des « autres ». Chaque groupe est perçu comme privilégié, qu’il s’agisse des migrants, des « assistés » ou des musulmans. Chaque groupe est suspecté de ne pas les reconnaître à leur juste valeur et de les mépriser pour ce qu’ils sont. Les Laissés pour compte sont le segment le moins diplômé. 61% sont des femmes. Ils sont plus présents en zone rurale et dans les villes moyennes. 41% d’entre eux sont des employés de la fonction publique et 19% des ouvriers. En tête de toutes leurs priorités se trouve le pouvoir d’achat. Ce qu’attendent les Laissés pour compte, c’est un ordre juste.
Pouvoir d'achat, pauvreté et inégalités sociales, immigration.
La situation de mes enfants, lorsqu'ils auront mon âge, sera moins bonne que la mienne– 73% vs. 58% en moyenne
Je ne me sens pas respecté et reconnu à ma juste valeur – 69% vs. 50% en moyenne
On n’est jamais trop prudent lorsqu’on a affaire aux autres – 92% vs. 75% en moyenne
La protection sociale des Français n’est ni juste, ni équitable – 62% vs. 48% en moyenne
Nous devons fermer complètement nos frontières aux migrants parce que nous ne pouvons pas les accueillir – 69% vs 54% en moyenne
J’essaye d’éviter le plus possible d’avoir à débattre avec d’autres personnes – 73% vs. 47% en moyenne
Lorsque j’aborde des sujets d’actualité et de société délicats avec des personnes que je ne connais pas, j’ai tendance à cacher certaines de mes opinions – 59% vs. 44% en moyenne
21% des Français
« Je suis Française jusqu'au bout, mais dans certains endroits, je ne m'y retrouve pas. Ça grouille, les gens ne sont pas comme moi, et les gens comme ça je ne les ai jamais vus dans le bien. »
Femme, 60 ans, Hauts-de-France, Identitaire
Les Identitaires sont l’opposé des Militants désabusés. Comme eux, ils déploient une vision du monde forte, cohérente et structurée par leurs convictions politiques. Ils conçoivent la nation comme un tout uniforme, fait d’un ensemble de règles et de coutumes, où chacun a une place à occuper et une responsabilité à assumer. On appartient à la communauté parce qu’on est Français, ce qui donne accès à des droits – et notamment à une protection sociale – et à des devoirs – et notamment le fait de travailler et de payer ses impôts. Mais cet équilibre est fragile et peut à tout moment se déliter.
Il est aujourd’hui menacé de l’extérieur : le monde est à leurs yeux de plus en plus dangereux. L’immigration est la première de leurs préoccupations, suivie de la sécurité et la menace terroriste. Ils soutiennent massivement la fermeture des frontières aux migrants et éprouvent une défiance élevée à l’égard des musulmans.
Il est également menacé de l’intérieur, par ceux qui ne jouent pas le jeu, qu’il s’agisse des bénéficiaires des minimas sociaux ou des élites, pour lesquels ils éprouvent une forte antipathie.
La valeur cardinale des Identitaires est l’autorité : la quasi-totalité d’entre eux considère que la France a besoin d’un vrai chef pour remettre de l’ordre. Non seulement leur système de valeurs est cohérent, mais ils savent avec qui ils partagent cette vision du monde et avec qui ils ne la partagent pas : leurs adversaires sont à la fois politiques (les personnes de gauche et les partisans d’En Marche) et identitaires (les migrants ou les musulmans). Ils n’hésitent pas à donner de la voix et à prendre part au débat. Ils sont plus âgés et moins diplômés que les Français, plutôt présents en zone rurale et dans les petites villes.
Immigration, pouvoir d'achat, menace terroriste.
Je me sens Français seulement (et non Européen) – 51% vs. 39% en moyenne
L’identité de la France est en train de disparaître – 83% vs. 57% en moyenne
Aujourd’hui, on se préoccupe davantage des migrants que des citoyens français – 92% vs. 65% en moyenne
L’immigration a eu un impact négatif sur la France – 83% vs. 47% en moyenne
L’Islam n’est pas une religion pacifique – 76% vs. 59% en moyenne